Ecrit par Jean Eric Boulin, le 12-12-2008
|
Pages vues : 680
|
Publié dans : Chroniques,
|
Un membre fondateur de notre collectif, Jean Eric Boulin, est parti vivre quelques temps à New York dans la perspective de voir comment, ailleurs, sont traitées les questions qui sont le lieu de crispations ici, en France. Voici sa première chronique :
Un lieu peut embrasser la diversité sans forcément l?aimer, ou alors ni l?un ni l?autre, ou alors, au contraire, l?aimer et l?embrasser, et de bon coeur. C?est le cas de New-York City. Qu?un tel lieu existe donne une joie impénitente.
Il y a à New-York un plébiscite quotidien de la diversité. Discret et poétique d?abord. Enseignes en chinois, ourdou, grecs, polonais, yiddish, frise des visages du monde dans les métros du matin, taxis ivoiriens ou algériens qui se confondent avec des Afro-américains ou des Latino. Au côté de Little Italy, et de Chinatown, il existe une petite Algérie dans le Queens, une petite Pologne à Brooklyn, un petit Sénégal dans le Bronx. Les langues, les journaux, les habits du pays natal y triomphent tranquillement. Et c?est doux, pour les exilés de ces pays-là, d?y venir et de s?y arrêter.
Puis il y a un plébiscite plus normatif : les informations dans le métro sont désormais en anglais et en espagnol, des affichages publics font compagne contre les discriminations basées sur la race, le handicap, la religion dans l?accès au logement (en mettant en place et de manière visible, un numéro vert à appeler), l?état fédéral n?hésite pas à intenter une action judiciaire contre le corps des pompiers de New-York parce que celui-ci ne comprend pas dans ses rangs un nombre de pompiers latino et noirs représentatif du poids de ces populations.
Cet ensemble d?éléments fait de New-York un laboratoire exemplaire et doux de la diversité. Une mosquée n?est pas un lieu de peur mais de culte, les librairies générales vendent des chandeliers à sept branches pour la fête juive de la Hannouka et, à Brooklyn, les bulbes d?une église russe-orthodoxe peuvent tranquillement surplomber un terrain de base-ball. A Harlem, les vendeurs maliens illégaux de produits pour femme ne sont pas un gibier à police mais des contributeurs de l?économie locale. Ils ne sont jamais contrôlés, parce qu?ici, demander ses papiers au faciès, sans que rien ne le justifie, équivaut à une atteinte à la vie privée. Il n?y a pas qu?une seule langue publique justement parce que les gens en parlent plusieurs. Et puis il y a des boulevards qui s?appellent Malcolm X et des lieux de mémoire des luttes du passé (l?Appolo par exemple, pour la conscience et la fierté noire) et surtout, cette absence de mépris qui apparaît comme la véritable marque de fabrique de la République française. France, terre de mépris. C?est tellement évident vu d?ici. Comment expliquer sans cela les réticences à construire des mosquées, le fait qu?aucune rue d?une ville française n?ait été appelée Frantz Fanon, ou la considération spatiale des immigrés comme des sous-catégories coloniales ?
On ne parle pourtant ici que de la surface des choses, de la forme d?une ville, de la manière dont un lieu s?habille de son intrinsèque diversité, pour la faire vivre et prospérer ou alors pour l?étouffer. Alors donc ce constat, mineur, de New-York jusqu?à présent : les corps dans la rue respirent mieux.
Dernière mise à jour : 12-12-2008
|
|
|