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12-11-2008

Obama, et la France en miroir… Convertir en PDF Version imprimable

Ecrit par Karim Amellal, le 05-11-2008

Pages vues : 98

Publié dans : Chroniques,


obama.jpgLe 44ème président des Etats-Unis est donc noir, ou métisse. « Africain-américain » dans la terminologie américaine. Son père, Barack Obama Senior était Kenyan, de culture musulmane. Il s?agit là, bien sûr, d?une formidable révolution, en Amérique d?abord, 44 ans après le Civil Right Act qui a aboli en pratique la ségrégation et 7 ans après les attentats du 11 septembre qui ont entraîné une série de mesures répressives ciblant en particulier la communauté musulmane américaine. Par contrecoup, ou effet de miroir, c?est aussi, de fait, un événement fondamental pour la France dans la mesure où l?élection de Barack Obama, en tant que symbole, ou symptôme d?une société réconciliée, post-raciale où la race en tant que construit social n?est plus un marqueur discriminant, doit nous alerter sur les faiblesses de notre modèle national.
 

Il ne s?agit pourtant pas de hâter l?analyse et d?en tirer la conclusion péremptoire selon laquelle notre République ne vaut rien parce qu?aucun représentant de ce que l?on appelle pudiquement les « minorités visibles » n?a encore été élu président de la République. L?élection d?Obama obéit en effet à une évolution profonde et rapide de la nation américaine et de sa capacité, tout au long de cette dernière décennie, à synthétiser de façon positive la diversité culturelle qui est à son fondement et qu?illustre la devise « E pluribus unum » (l?unité à partir de la diversité).


Ce phénomène de régénération permanente de la nation américaine, en dépit des caractéristiques structurelles d?une société marquée par de profondes inégalités, est pourtant stupéfiant et contraste avec nos difficultés hexagonales à penser et admettre le multiculturalisme. De cela, sans doute, nous pouvons déjà nous inspirer.

Car Obama incarne, jusque dans les limbes de la société américaine, le changement radical dont il se fait l?apôtre et qui, au fond, avait échappé à ceux qui, depuis Paris, se gaussaient de la société balkanisée, au bord de l?explosion et sous le joug d?une pernicieuse dictature des minorités alimentée par la surenchère identitaire et la concurrence mémorielle : vision erronée et abstraite, teintée d?une bonne dose d?anti-américanisme, qui s?est pendant longtemps focalisée sur les méfaits de l?Affirmative Action, dont les programmes sont désormais, un peu partout, démantelés mais qui n?en ont pas moins produit maintes trajectoires d?excellence et sans lesquels, par exemple, Obama ne serait pas rentré à Harvard?

Bien sûr, la victoire du candidat démocrate tient avant tout à ses exceptionnelles aptitudes et à une campagne remarquablement conduite dans un contexte globalement porteur. Bien sûr, la société américaine continue de subir, à ses marges, des dynamiques de ghettoïsation et de ségrégation qui s?inscrivent dans les territoires et que des interventions publiques trop faibles ne parviennent pas à endiguer. Bien sûr, Obama à lui seul ne peut masquer les logiques de discrimination et d?exclusion dont sont encore victimes certains groupes ethniques. Si la société post-raciale est en marche, elle n?est pas encore achevée. Pour autant, personne ne peut nier que l?Amérique, grâce à Obama et à ce qu?il incarne, parvient à articuler diversité et unité, mémoire nationale et histoires particulières, patriotisme et vivre-ensemble.

En France, les effets de cette victoire sur les représentations seront importants, l?un négatif à court terme, l?autre positif  à long terme. D?une part, les Français « issus de l?immigration », les plus jeunes surtout,  vont encore une fois mesurer le terrible décalage qu?il existe entre des principes ressassés et la réalité constatée, entre notamment des élites et une classe politique majoritairement « blanches » et une « France d?en bas » de plus en plus métissée. Cela va encore accroître leur défiance dans des idéaux républicains qui affirment sur le papier l?égalité et promeuvent dans les faits l?inégalité ou, en tout cas, cantonnent la « diversité » à un rôle de propagande politique ? ce qu?illustre depuis plusieurs années les nominations médiatiques, par le fait du prince, de quelques personnalités dites « représentatives ». D?autre part, les partis politiques et l?opinion publique dans son ensemble intégreront enfin l?idée, par capillarité, qu?un noir ou un Français d?origine maghrébine peuvent être de bons élus, fiables et compétents, et qu?ils n?ont pas nécessairement vocation à être pour l?éternité confinés dans les antichambres du pouvoir ou les cagibis des campagnes électorales.

Rappelons que le temps presse et qu?il faut désormais que la diversité ? sociale et culturelle ? de notre société apparaisse effectivement à tous les niveaux de la hiérarchie du pouvoir. Refuser cette impératif au motif que nos principes et nos valeurs s?en trouveraient dilatés nous conduirait inévitablement vers l?asphyxie du corps social et l?aggravation des ranc?urs et de frustrations, non seulement de ces « minorités visibles » qui subiront de plein fouet les conséquences de la crise économique actuelle, mais aussi de l?ensemble des catégories sociales modestes qui ont le sentiment d?être exclues des allées de la prospérité.

Barack Obama est donc devenu le 44ème président des Etats-Unis et, chez nous, la promotion de l?égalité des chances patine. Tout le monde se paye de mots sur le dos de la diversité : hormis Sciences Po et une poignée d?entreprises novatrices, celle-ci relève du répertoire publicitaire. Nos actions positives ? les ZEP et les zones franches, par exemple -, seules à même de corriger des déséquilibres profonds, sociaux et territoriaux, sont engluées dans une bureaucratie inefficace qui en obère les effets. Notre dispositif de lutte contre les discriminations, malgré un réel arsenal juridique, se résume au rôle de centre de documentation de la Halde et aboutit, sur le terrain, à un nombre toujours dérisoire de condamnations au pénal, et au versement d?amendes qui, si elles n?avaient une prétention dissuasive, feraient sourire.

L?identité nationale, enfin. Car c?est aussi d?elle qu?il s?agit, en contrepoint, avec cette victoire. Obama a plusieurs fois « raconté » l?Amérique, avec ferveur et enthousiasme, respect aussi, comme par exemple dans son discours de Philadephie (18 mars) : aucune souffrance passée à l?as, un passé assumé, une Histoire endossée, une quête personnelle d?identité avouée et, au final, un récit national restructuré, franc, sincère, passionné, inclusif, prononcé par un candidat noir à une élection présidentielle. Cela, bien sûr, ne s?est pas fait en un jour, en une campagne. Mais en définitive, chaque Américain, quelque soit son origine, on le sait bien, est fier de son pays, de son drapeau, de son passeport, tout en restant fermement attaché à ses origines. Obama, par sa trajectoire, son exemple, sa rhétorique, a concouru avec brio à refaire de l?Amérique un mythe ? au sens propre : une parole ? re-mobilisateur. L?identité nationale, soit l?attachement collectif, par-delà les enracinements particuliers, à des valeurs communes et à un dessein partagé est aux Etats-Unis le produit d?une synthèse positive ? celle qu?incarne Obama ? là où notre manière d?imposer au forceps, par le haut, au moyen d?un appareil administratif, une identité nationale factice et exclusive s?apparente davantage à un fumigène de la démagogie.

Obama n?a pas été élu parce qu?il était noir. Il a été élu parce que ses électeurs n?ont pas fait attention à sa couleur de peau. Puissions-nous parvenir un jour à accomplir cette prouesse.

 

Collectif "Qui Fait La France ?"


Dernière mise à jour : 05-11-2008

   
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