Ecrit par Cédric Dawny, le 14-11-2008
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Publié dans : Contributions,
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Les événements qui se sont déroulés dans nos banlieues en 2005 ne sont que les conséquences de la mise en faillite de notre modèle républicain pour usage chronique de faux semblants. En effet dans un pays où l?art de la rhétorique, l?accumulation des titres ont toujours été reconnu comme des signes distinctifs et gratifiants, les beaux et nobles principes ont presque toujours prévalu sur les actes.
La France « du siècle des lumières » ne voit plus clair. Comme pourrait le dire certain enseignant, nous nous sommes endormis sur nos lauriers et dilapidons depuis des années notre héritage historique et social. Il faut se le dire, la France n?est plus la patrie des droits de l?homme. L?égalité, la fraternité et la liberté, à force d?être martelés au fronton de nos écoles ont perdu de leur sens. Nos esprits sont endormis et colonisés par les clichés et les préjugés raciaux. Nous appartenons à une France qui étiquette et classe par catégories plus facilement qu?elle ne donne sa chance et fait confiance. Nous sommes un pays dit démocratique où malheureusement, on peut naître coupable avant d?avoir vécu. Preuve en est, les procès d?intention fait aux jeunes sans discernement ni distinction que Monsieur Sarkozy dans un excès de précipitation et un l?élan d?empathie a voulu « nettoyer au kÄrcher et sciemment catalogué sous l?appellation de « racaille ».
Nous connaissons le pourvoir des mots et les maux qu?ils peuvent engendrer.Francis Bacon, philosophe et politique anglais a montré la voie à de nombreux populistes par son célèbre aphorisme « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelques choses ».
Ce qui me dérange le plus dans cette affaire c?est que le miroir ne reflète pas la réalité de cette jeunesse tant décriée mais renvoie une image faussée et aplanie par notre système de référence, nos codes d?interprétation et nos peurs. Ce ne sont pas nos semblables que nous voyons mais une horde sauvage, prête à tout pour nous anéantir.
Mr Sarkozy, vous êtes dangereux car vous dressez les français contre leurs propres enfants et on sait bien où cela peut mener. A croire que vous faites votre, tous les poncifs de Machiavel, c?est peut être pour cela que le « divisez pour mieux régner » vous va à merveille.
Assumer des responsabilités publiques c?est être exemplaire et souvent faire le premier pas or vous leur tournez le dos.
L?emploi de la force, tous les éducateurs et professeurs vous le diront, est le résultat d?un échec, celui du défaut de dialogue, du manque de concertation, de la non réciprocité des échanges. En agissant de telle sorte , vous ne faites que renforcer l?image que vous vous faites de ces jeunes en leur confirmant chaque jour que cette société est violente et que votre seule réponse à leurs maux est celle des armes.
L?enfance et l?adolescence sont des périodes charnières dans la construction d?un citoyen, d?un homme. C?est une période qui alterne entre l?opposition systématique au pouvoir parental et la provocation permanente. C?est également une période de jeu, de test et de mimétisme.
Ne vous étonnez pas alors, qu?ils reproduisent à votre égard les gestes, agissements et propos que vous leur témoignez.
La loi et son application sont nécessaires pour favoriser le vivre ensemble mais aux responsabilités individuelles correspondent des droits. A ce titre, l?état doit garantir à tous ses citoyens les mêmes chances de réussites sociales et économiques et lutter ouvertement contre toutes les formes de discriminations jusqu?à leur éradication.
Il n?y a pas de société stable et égalitaire sans respect mutuel, sans réciprocité entre les droits et les responsabilités de chacun, sans reconnaissance mutuelle et partagée.
Le Mépris, l?indifférence, l?exclusion sont les éléments explosifs d?un cocktail qui alimentent sans cesse le feu de la haine et qui dérive dangereusement et souvent de manière irréversible vers tous les comportements délictueux.
Le sentiment de rejet, de mise à l?écart ostensible et tacite du fonctionnement de la société favorisent le repli sur soi ou sur sa communauté d?origine (familiale, sociale, économique, religieuse?).Si ces réflexes de défense sont à combattre, il n?en reste pas moins que c?est en agissant sur leurs causes que nous y parviendrons. A ce titre et dans l?intérêt de tous, nous nous devons de proposer des alternatives convaincantes, porteuses d?espoir et de rassemblement.
Par contre, celles ou ceux qui seraient tentés de rétablir une politique paternaliste comme garante de l?unité nationale seraient bien inspirés de revoir leur classique au risque de légitimer le rapport de force comme seul moyen d?expression et de communication.
Mais ce conflit, pour partie de génération ne date pas d?hier. Déjà Socrate par l?entremise de Platon n?hésitait pas à les critiquer «Les jeunes d'aujourd'hui aiment le luxe, méprisent l'autorité et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu'un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d'engloutir les desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l'autorité et n'ont aucun respect pour l'âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans.» Hélas, au-delà du temps et des contextes, les problématiques persistent.
Malheureusement, le problème est ailleurs. La France des 200 familles n?existent plus. Il faut apprendre à cette France hautaine et dédaigneuse à respecter ses valeurs et les traduire en actes.
Il faut également qu?elle se réapproprie son histoire et qu?elle lève sans complexe les voiles d?ombre qui tendent les rapports entre l?histoire de France officielle et l?histoire de tous les français mais également des immigrés.
La France doit reconnaître sa diversité et laisser à celle-ci la place qui lui revient de droit en permettant à ses différentes composantes de jouer leur rôle au sein de la république.
Malheureusement, la France n?accepte pas de ne plus être le centre du monde, elle n?accepte pas que son histoire soit élargit aux minorités dont le mutisme devenait de plus en plus assourdissant. Elle n?accepte pas qu?à un fait historique puisse en être rajouté un autre et que l?axe de la vérité puisse être déplacée. Elle a peur, à tort, de perdre de son autorité et préfère éluder plutôt que de reconnaître.
Elle n?accepte pas non plus que ces jeunes à la différence de leurs parents ne soient plus dans un rapport dominant/dominé, que ces derniers ne courbent plus l?échine à volonté mais soutiennent le regard et parlent d?égal à égal.
Nous vivons sans doute les derniers moments d?une oligarchie qui voit chaque jour son pouvoir vaciller et qui n?accepte pas de compter dans ses rangs des décideurs autres que ceux provenant de son sérail. Le développement des moyens d?accès à l?information et la pluralité des opinions qui y sont diffusées ont permis aux citoyens de se forger un avis qui aujourd?hui déroge au discours ambiant, mercantile et majoritairement convenu. Il est vrai, que ces opinions relèvent plus du parti pris que de l?honnêteté intellectuelle mais au moins elles posent clairement les bases d?un débat sur un tas de tabous historiques et sociologiques.
Alors, oui, c?est vrai la France est bousculée dans ses certitudes, elle ne comprend pas pourquoi ses vieux réflexes coloniaux ne fonctionnent plus ni pourquoi cette jeunesse remet en question sa mémoire sélective et, par là même, trouble le confort intellectuel dans lequel nous commencions à sombrer.
La France a besoin d?un coup de pied au cul pour lui mettre les idées bien en place.
En 1995, la France a réussi à éluder la question de savoir si notre modèle d?intégration à la française était oui ou non un bon modèle. En effet l?élimination physique de Khaled Kelkal n?a pas permis d?entendre la voix de ce jeune lyonnais sur les raisons qui l?ont conduit à retourner la violence de son existence contre son propre pays . Je suis intimement convaincu que ce procès nous aurait permis de comprendre avec dix ans d?avance, la souffrance, le manque de reconnaissance, le sentiment d?exclusion et le désespoir de ce jeune, représentatif de tant d?autre, non par ce qu?il a fait mais pour ce qu?il était.
Chercher à comprendre ne veut pas dire accepter. Il est de notre responsabilité collective que notre jeunesse ne se retourne pas contre ses pairs ni contre elle-même.
La situation que nous vivons actuellement traduit sans doute l?échec de nos sociétés à offrir et à transmettre à ses générations futures des perspectives de développement tant personnel que collectif.
L?espoir a foutu le camp or la France ne peut supporter plus longtemps un tel gâchis.
On voudrait nous séparer, nous faire croire que nos différences culturelles et cultuelles sont insurmontables, insolubles les unes dans les autres mais tout cela c?est du folklore. Ce sont les peurs de nos chefs de tribus respectifs qui pour asseoir et se maintenir au pouvoir tentent de faire de nos différences des boucliers, des glaives et de nous des soldats au service d?un idéal vicié.
Il est grand temps comme le disait Michel Foucault de faire résonner la voix de ce que l?on maintient dans la dérision et la déraison. Chaque être humain tend de part ses origines aussi diverses que variées au même idéal de bien être et d?être bien.
J?ai fait le rêve banal comme n?importe qui, qu?un jour, aujourd?hui par exemple, l?égalité, la fraternité et la liberté ne seraient plus des mots mais une réalité à vivre et à construire ensemble.
J?aime la France pour la diversité des personnes qui l?habitent. Notre diversité c?est notre richesse, notre patrimoine génétique, notre « marque de fabrique », en bref, c?est notre chance.
La devise de L?inde est « Unity in diversty », la notre « liberté, égalité, fraternité, diversité »
Cette jeunesse, pleine de fougue et d?énergie n?a pas besoin de porte parole, elle a besoin de portes ouvertes. Elle a besoin surtout de normalité et que son existence ne soit plus entravée par des regards suspicieux, des doigts accusateurs. Vous verrez alors que les feux s?éteindront naturellement car avec eux brûleront les dernières raisons de vous en vouloir celles des stigmatisations et des discriminations qui justifiaient à leurs yeux tous leurs actes.
Dernière mise à jour : 14-11-2008
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