Ecrit par Khalid El Bahji., le 22-05-2008
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Publié dans : Chroniques,
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L?impression n?est pas négative au départ. Pas plus au milieu qu?à la fin du clip « Stress » de Gaspard Augé et Xavier de Rosnay, du groupe Justice. Pourtant, une fois avoir refermé la page internet youtube ou dailymotion, dont le nombre de visualisations frôle parfois le million, le ressenti ne passe pas au positif non plus. En effet, la première et naturelle des interrogations, après le visionnage, est de savoir quel était le but de ce clip, son message, son intérêt, sa pertinence.
Etait-ce, comme beaucoup l?ont avancé, juste un coup marketing ? De l?opportunisme facile ? Un positionnement politique ? Si oui, lequel ? Evidemment, personne ne le sait. Ou du moins tout le monde s?interroge sur le pourquoi de ces séquences pour le moins agitées. Cependant, une chose est indéniable, c?est que Justice et l?équipe de réalisateurs Kourtrajmé, tout au long de ce clip, prennent certains de nos réflexes à contre-pied et de manière très habile. Le point de départ de ce qu?on pourrait appeler « une campagne de violences gratuites » (indéfendable mais compréhensible) est une cité de banlieue. Ce qui, étant donné le climat et le contexte politique de notre pays, attire dores et déjà fortement l?attention. Dés le premier plan, des tours surgissant du sol et un petit corps d?adolescent noir, vu de dos, se dirige vers des bâtiments aux allures de donjons effrayants. Barre de fer, démarche alerte, blouson en cuir frappé d?une croix, sous un ciel brumeux et gris, installent les premières pointent de « stress ». Effet garanti. Vue la manière dont ont été filmés les plans, on s?attendrait presque à un clip Hip Hop, genre « Rap de Tess » du rappeur Nessbeal (ex-dicidens). Sauf qu?aucun rappeur français, où plutôt aucun rappeur signé sur un label de poids, n?aurait osé un clip comme celui-ci, de crainte d?être censuré et traîné au tribunal pour incitation à la violence et à la haine? Damned !
Ce qui, dans un premier temps, reste le plus troublant pour un téléspectateur lambda, est l?association visuelle faite entre toutes ces croix chrétiennes flanquées sur ces blousons, ces gestuelles « racailleuses» et ces frimousses noires africaines et maghrébines que l?on a pour habitude de lier, consciemment ou non, à l?islam, religion dite de la banlieue et des pauvres en général. Oui, association judicieuse dans le sens où, pour une fois, le facteur « islamique » est apparemment écarté de la cause des troubles, de la dissension, du débordement, du leitmotiv de la destruction. Là, nous ne savons pas, nous ne savons plus, si l?on ne s?en tient qu?au scénario de ce clip, ce qui motive cette « milice ». Chose rare dans le paf français. Je dis judicieuse, mais j?ai dans le même temps envie de dire toujours aussi dangereuse. Car exposer un symbole aussi sensible que celui du religieux, le noyer dans un torrent de violence urbaine, sans l?accompagner d?un discours clair laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Des moins subjectives aux plus farfelues, et à toutes les manipulations, donc à toutes les réactions, à dire des moins émotives aux plus bouillantes. Aussi, c?est cette absence de discours, ce silence volontaire, qui me pousse à croire en la préméditation du groupe Justice à vouloir provoquer la polémique à des fins mercantiles. Mais le questionnement persiste. La croix chrétienne (également symbole ou logo du groupe) a-t-elle seulement le sens de fédération, de ralliement entre individus, sans aucune signification théologique ou spirituelle ? A-t-elle pour but non avoué, la volonté de « regagner » une visibilité (bien que négative) trop souvent « offerte » à l?islam ? (Concurrence des violences ?) A-t-elle pour but de faire comprendre aux masses qu?un arabe ou un noir habitant les quartier n?est pas forcément musulman et, par conséquent, faire passer un message appelant à cesser le jugement creux et la stigmatisation ? Que, quelle que soit la confession, la croyance, ou la culture, un individu lésé réagira toujours, dans un premier temps, de manière violente et cela sans distinction d?ethnie, de classe sociale ou de m?urs ? Ces croix, rendues agressives par le contexte, illustrant cette « expédition punitive », et véhiculées par ces « enfants-soldats » souhaitaient-elles implicitement les mettre en position de « Croisés-à-la-sauce-HLM » en partance pour une razzia ? Cela fait beaucoup de questions, tout de même. Les lectures sont multiples et les décodages tout autant.
Au-delà de cela, le point « positif » de ce clip, si j?ose dire, est le fait que la brutalité de cet escadron urbain ne se déploie pas à l?encontre des « blancs » uniquement, mais envers tout le monde, et ce sans distinction. Tout au long de cette vidéo, le passage à tabac systématique est prononcé contre celui ou celle ayant le malheur de se trouver sur son passage. Contre tout obstacle à l?assouvissement de la pulsion, quelle que soit sa nature. La « Victime » de ce film n?est pas « Blanche » comme voudrait le faire croire, s?agissant des banlieues, le dogme des médias français dominants. En effet, nous y voyons à un moment donné un autre jeune noir, vêtu quasiment de la même manière que ces agresseurs (très hip hop, très quartier), lynché pour avoir tenté de défendre une femme importuné par ce même groupe, un autre homme typé européen se faire taguer sa veste à la bombe rouge, un arabe se faire plaquer contre une grille et se faire détrousser, des touristes asiatiques se faire surprendre au pied du Sacré C?ur, des regards médusés, de tranquilles musiciens se faire « corriger » de manière scandaleuse, des biens privés dégradés, des voitures rayées, volées, et le tout en bande. En gros, rien de jouissif. Non, rien. Juste une certaine lâcheté de la part des agresseurs, bien mise en scène. Séquences orgasmiques pour politiciens en mal de solutions et vitales pour les arabo-berbero-negrophobes. Enfin, ce mouvement de groupe organisé rappelle aussi un peu, par moment, l?époque des Blacks Dragons et autres Requins Vicieux qui sévissaient sur la capitale au milieu des années 80, à la recherche de Skinheads à gonfler. Sauf que ces gangs de l?époque savaient encore ce qu?était l?honneur, la dignité et ne s?en prenaient jamais aux quidams innocents. Cela dit, au-delà du caractère prophétique et prémonitoire que pourrait avoir ce clip dans quelques années si les conditions sociales en France ne changent pas, je suis d?avis que le groupe Justice a autant fait preuve d?inconscience que ses personnages principaux, en ne donnant aucune trame d?explications et aucun discours. Sauf à la fin du clip où l?on entend un « Ca t?amuse de filmer ça, fils de pute !? » décoché juste après que le cameramen se fasse briser une bouteille sur la bobine. L?invective devait sûrement être adressée à un journaliste. En l?occurrence celui qui s?essoufflait depuis le début, au milieu du groupe, à essayer d?avoir ces si belles images de « satisfactions banlieusardes. »
Bref, trop flou pour être dénué d?intentions. Ou bien, ce clip est complètement imbécile, alors ? Car sans raisons données, où est le sens ?
Dernière mise à jour : 22-05-2008
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C'est trop ambigu pour être honnête
Ecrit par: themis (Invité) le 23-05-2008 00:20